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« — C’est donc pour cela que tu l’appelles d’un si vilain nom ? Belzébuth, je crois ?

« — Chut ! a repris Gottlieb, c’est son nom et il le connaît bien. Il le porte depuis que le monde existe. Mais il ne le portera pas toujours.

« — Sans doute ; quand il sera mort !

« — Il ne mourra pas, lui ! Il ne peut pas mourir, et il en est bien fâché, parce qu’il ne sait pas qu’un jour viendra où il sera pardonné. »

« Ici nous fûmes interrompus par l’approche de madame Schwartz, qui s’émerveillait de voir Gottlieb causer enfin librement avec moi. Elle en était toute joyeuse, et me demanda si j’étais contente de lui.

« — Très contente, je vous assure. Gottlieb est fort intéressant, et j’aurai maintenant du plaisir à le faire parler.

« — Ah ! mademoiselle, vous nous rendrez grand service, car le pauvre enfant n’a personne à qui causer, et avec nous c’est comme un fait exprès, il ne veut pas desserrer les dents. Es-tu original, mon pauvre Gottlieb, et têtu ! voilà que tu causes très-bien avec mademoiselle, que tu ne connais pas, tandis qu’avec tes parents… »

« Gottlieb tourna aussitôt les talons et disparut dans la cuisine, sans paraître avoir entendu seulement la voix de sa mère.

« — Voilà comme il fait toujours ! s’écria madame Schwartz ; quand son père ou moi lui adressons la parole, on jurerait, vingt-neuf fois sur trente, qu’il est devenu sourd. Mais enfin, que vous disait-il donc, mademoiselle ? De quoi, diantre, pouvait-il vous parler si longtemps ?

« — Je vous avoue que je ne l’ai pas bien compris, répondis-je. Il faudrait savoir à quoi se rapportent ses