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Pœlnitz, cher baron, parlez ; où est le roi à cette heure ?

« Je ne veux pas le savoir ! dit Quintus en se levant et en quittant la table.

— À votre aise, dit Pœlnitz. Que ceux qui ne veulent pas m’entendre se bouchent les oreilles.

— J’ouvre les miennes, dit La Mettrie.

— Ma foi, et moi aussi, dit Algarotti en riant.

Messieurs, dit Pœlnitz, Sa Majesté est chez la signora Porporina.

— Vous nous la baillez belle ! s’écria La Mettrie. »

Et il ajouta une phrase en latin, que je ne puis traduire parce que je ne sais pas le latin.

Quintus Icilius devint pâle et sortit. Algarotti récita un sonnet italien que je ne comprends pas beaucoup non plus ; et Voltaire improvisa quatre vers pour comparer Frédéric à Jules César ; après quoi, ces trois érudits se regardèrent en souriant ; et Pœlnitz reprit d’un air sérieux :

« Je vous donne ma parole d’honneur que le roi est chez la Porporina.

— Ne pourriez-vous pas donner quelque autre chose ? dit d’Argens, à qui tout cela déplaisait au fond, parce qu’il n’était pas homme à trahir les autres pour augmenter son crédit. »

Poelnitz répondit sans se troubler :

« Mille diables, monsieur le marquis, quand le roi nous dit que vous êtes chez mademoiselle Cochois, cela ne nous scandalise point. Pourquoi vous scandalisez-vous de ce qu’il est chez mademoiselle Porporina ?

— Cela devrait vous édifier, au contraire, dit Algarotti ; et si cela est vrai, je l’irai dire à Rome.

— Et Sa Sainteté, qui est un peu gausseuse, ajouta Voltaire, dira de fort jolies choses là-dessus.

— Sur quoi Sa Sainteté gaussera-t-elle ? demanda le