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Pour cacher mon émotion à l’autre factionnaire, je m’approchai du parapet, en m’éloignant du bastion, et je feignis de contempler les herbes du fossé. Je voyais pourtant à la dérobée Karl et Gottlieb échanger, sans trop de mystère, des paroles que je n’entendais pas. Au bout de quelques instants, Gottlieb revint près de moi, et me dit rapidement :

« — Il va descendre ici, il va entrer chez nous et y boire une bouteille de vin. Feignez de ne pas faire attention à lui. Mon père est sorti. Pendant que ma mère ira chercher le vin à la cantine, vous rentrerez dans la cuisine, comme pour remonter chez vous, et vous pourrez lui parler un instant. »

« En effet, lorsque Karl eut causé quelques minutes avec madame Schwartz, qui ne dédaigne pas de faire rafraîchir à son profit les vétérans de la citadelle, je vis Gottlieb paraître sur le seuil. Je compris que c’était le signal. J’entrai, je me trouvai seule avec Karl. Gottlieb avait suivi sa mère à la cantine. Le pauvre enfant ! il semble que l’amitié lui ait révélé tout à coup la ruse et la présence d’esprit nécessaire à la pratique des choses réelles. Il fit à dessein mille gaucheries, laissa tomber la bougie, impatienta sa mère, et la retint assez longtemps pour que je puisse m’entendre avec mon sauveur.

« — Signora, me dit Karl, me voilà ! vous voici donc enfin ! J’ai été repris par les recruteurs, c’était dans ma destinée. Mais le roi m’a reconnu et m’a fait grâce, à cause de vous peut-être. Puis, il m’a permis de m’en aller, en me promettant même de l’argent, que d’ailleurs il ne m’a pas donné. Je m’en retournais au pays, quand j’ai appris que vous étiez ici. J’ai été trouver un fameux sorcier pour savoir comment je devais m’y prendre pour vous servir. Le sorcier m’a envoyé au prince Henry, et le prince Henry m’a renvoyé à Spandaw. Il y a autour de