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qu’il est en somnambulisme ; mes deux nigauds courront après lui pour le voir, et quand la salle sera évacuée, j’en prendrai la clef pour qu’ils n’y reviennent pas. »

Gottlieb, qui ne se savait pas somnambule, ouvrit de gros yeux ; mais Karl lui ayant fait signe d’obéir, il obéit aveuglément. Consuelo éprouvait une insurmontable répugnance à entrer dans la chambre de Mayer.

« Que craignez-vous de cet homme ? lui dit Karl à voix basse. Il a une trop grosse somme à gagner pour songer à vous trahir. Son conseil est bon : je retourne sur le bastion. Trop de hâte nous perdrait.

— Trop de sang-froid et de prévoyance pourrait bien nous perdre aussi », pensa Consuelo. Néanmoins elle céda. Elle avait une arme sur elle. En traversant la cuisine de Schwartz, elle s’était emparée d’un petit couperet dont la compagnie la rassurait un peu. Elle avait remis à Karl son argent et ses papiers, ne gardant sur elle que son crucifix, qu’elle n’était pas loin de regarder comme une amulette.

Mayer l’enferma dans sa chambre pour plus de sûreté, et s’éloigna avec Gottlieb. Au bout de dix minutes, qui parurent un siècle à Consuelo, Nanteuil revint la trouver, et elle remarqua avec terreur qu’il refermait la porte sur lui et mettait la clef dans sa poche.

« Signora, lui dit-il en italien, vous avez encore une demi-heure à patienter. Les drôles sont ivres, et ne lèveront le siège que quand l’horloge sonnera une heure ; alors le gardien qui a le soin de ce quartier les mettra dehors.

— Et qu’avez-vous fait de Gottlieb, monsieur ?

— Votre ami Gottlieb est en sûreté derrière un tas de fagots où il pourra bien s’endormir ; mais il n’en marchera peut-être que mieux pour vous suivre.

— Karl sera averti, n’est-il pas vrai ?