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— Et pourquoi non ? ce serait si agréable et j’en aurais tant besoin !

— Ah ! pour celle-là, s’écria Pœlnitz en secouant ses poches vides et muettes, et en regardant le roi d’un air expressif, que son règne arrive au plus tôt ! c’est la prière que tous les matins et tous les soirs…

— Oui-da ! interrompit Frédéric, qui faisait toujours la sourde oreille à cette sorte d’insinuation ; ce monsieur Saint-Germain donne aussi dans le secret de faire de l’or ? Vous ne me disiez pas cela !

— Or donc, permettez-moi de l’inviter à souper demain de votre part, dit La Mettrie ; car m’est d’avis qu’un peu de son secret ne vous ferait pas de peine non plus, sire Gargantua ! Vous avez de grands besoins et un estomac gigantesque, comme roi et comme réformateur.

— Tais-toi, Panurge, répondit Frédéric. Ton Saint-Germain est jugé maintenant. C’est un imposteur et un impudent que je vais faire surveiller d’importance, car nous savons qu’avec ce beau secret-là on emporte plus d’argent d’un pays qu’on n’y en laisse. Eh ! Messieurs, ne vous souvient-il déjà plus du grand nécromant Cagliostro, que j’ai fait chasser de Berlin, à bon escient, il n’y a pas plus de six mois ?

— Et qui m’a emporté cent écus, dit La Mettrie ; que le diable les lui reprenne !

— Et qui les aurait emportés à Pœlnitz, s’il les avait eus, dit d’Argens.

— Vous l’avez fait chasser, dit La Mettrie à Frédéric, et il vous a joué un bon tour, pas moins !

— Lequel ?

— Ah ! vous ne le savez pas ! Eh bien, je vais vous régaler d’une histoire.

— Le premier mérite d’une histoire est d’être courte, observa le roi.