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que nous ne nous sommes arrêtés dans aucune ville ni village, et que nous avons toujours pris nos relais dans quelque bois ou dans la cour de quelque maison particulière. Enfin il y a une quatrième raison, c’est que j’ai donné ma parole d’honneur à M. le chevalier de ne pas vous le dire, signora.

— C’est par cette raison-là que tu aurais dû commencer, Karl ; je ne t’aurais pas fait d’objections. Mais, dis-moi, le chevalier te paraît-il malade ?

— Nullement, signora, il va et vient dans la maison, où véritablement il ne me semble pas avoir de grandes affaires, car je n’y aperçois d’autre figure que celle d’un vieux jardinier peu causeur.

— Va donc lui offrir tes services, Karl. Cours, laisse-moi.

— Comment donc faire ? il les a refusés, en me commandant de ne m’occuper que de vous.

— Eh bien, occupe-toi de toi-même, mon ami, et fais de bons rêves sur ta liberté. »

Consuelo se coucha aux premières lueurs du matin ; et lorsqu’elle fut relevée et habillée, sa montre marqua deux heures. La journée paraissait claire et brillante. Elle essaya d’ouvrir les persiennes ; mais dans l’une et l’autre pièce elle les trouva fermées par un secret, comme celles de la chaise de poste où elle avait voyagé. Elle essaya de sortir ; les portes étaient verrouillées en dehors. Elle revint à la fenêtre, et distingua les premiers plans d’un verger modeste. Rien n’annonçait le voisinage d’une ville ou d’une route fréquentée. Le silence était complet dans la maison ; au-dehors il n’était troublé que par le bourdonnement des insectes, le roucoulement des pigeons sur le toit, et de temps en temps par le cri plaintif d’une roue de brouette dans les allées où son regard ne pouvait plonger. Elle écouta machinalement ces bruits agréables à son oreille, si longtemps privée