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des échos de la vie rustique. Consuelo était encore prisonnière, et tous les soins qu’on prenait pour lui cacher sa situation lui donnaient bien quelque inquiétude. Mais elle se fût résignée pour quelque temps à une captivité dont l’aspect était si peu farouche, et l’amour du chevalier ne lui causait pas la même horreur que celui de Mayer.

Quoique le fidèle Karl lui eût recommandé de sonner aussitôt qu’elle serait levée, elle ne voulut pas le déranger, jugeant qu’il avait besoin d’un plus long repos qu’elle. Elle craignait surtout de réveiller son autre compagnon de voyage, dont la fatigue devait être excessive. Elle passa dans la pièce attenante à sa chambre, et à la place du repas de la veille, qui avait été enlevé sans qu’elle s’en aperçût, elle trouva la table chargée de livres et des objets nécessaires pour écrire.

Les livres la tentèrent peu ; elle était trop agitée pour en faire usage, et comme au milieu de ses perplexités elle trouvait un irrésistible plaisir à se retracer les événements de la nuit précédente, elle ne fit aucun effort pour s’en distraire. Peu à peu l’idée lui vint, puisqu’elle était toujours tenue au secret, de continuer son journal, et elle écrivit pour préambule cette page sur une feuille volante.

« Cher Beppo, c’est pour toi seul que je reprendrai le récit de mes bizarres aventures. Habituée à te parler avec l’expansion qu’inspire la conformité des âges et le rapport des idées, je pourrai te confier des émotions que mes autres amis ne comprendraient pas, et qu’ils jugeraient sans doute plus sévèrement que toi. Ce début te fera deviner que je ne me sens pas exempte de torts ; j’en ai à mes propres yeux, bien que j’en ignore jusqu’à présent la portée et les conséquences.

« Joseph, avant de te raconter comment je me suis