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et quand il veut de la société, je l’emmène dans les clairières, dans les endroits sauvages, où campent, la nuit, nos bons amis les zingari, ces enfants du Seigneur, qui ne connaissent ni les lois ni la richesse. »

« J’écoutais attentivement Zdenko, parce que ses discours naïfs me révélaient la vie qu’Albert avait menée avec lui dans ses fréquentes retraites au Schreckenstein. Ne craignez pas, ajoutait-il, que je révèle jamais à ses ennemis le secret de sa demeure. Ils sont si menteurs et si fous, qu’ils disent à présent : « Notre enfant est mort, notre ami est mort, notre maître est mort. » Ils ne pourraient pas croire qu’il est vivant quand même ils le verraient. D’ailleurs, n’étais-je pas habitué à leur répondre, quand ils me demandaient si j’avais vu le comte Albert : « Il est sans doute mort ? » Et comme je riais en disant cela, ils prétendaient que j’étais fou. Mais je parlais de mort pour me moquer d’eux, parce qu’ils croient ou font semblant de croire à la mort. Et quand les gens du château faisaient mine de me suivre, n’avais-je pas mille bons tours pour les dérouter ? Oh ! je connais toutes les ruses du lièvre et de la perdrix. Je sais, comme eux, me tapir dans un fourré, disparaître sous la bruyère, faire fausse route, bondir, franchir un torrent, m’arrêter dans une cachette pour me faire dépasser, et, comme le météore de nuit, les égarer et les enfoncer à leur grand risque dans les marécages et les fondrières. Ils appellent Zdenko, l’innocent. L’innocent est plus malin qu’eux tous. Il n’y a jamais qu’une fille, une sainte fille ! qui a pu déjouer la prudence de Zdenko. Elle savait des mots magiques pour enchaîner sa colère ; elle avait des talismans pour surmonter toutes les embûches et tous les dangers, elle s’appelait Consuelo.

« Lorsque Zdenko prononçait votre nom, Albert frémissait légèrement et détournait la tête ; mais il la lais-