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torture au-dessus des forces humaines. Le vertige s’empara de lui. Ne pouvant retremper l’essence la plus sublime de sa vie dans des âmes semblables à la sienne, il dut se laisser mourir.

« Dès qu’il eut trouvé ces cœurs faits pour le comprendre et le seconder, nous fûmes étonnés de sa douceur dans la discussion, de sa tolérance, de sa confiance et de sa modestie. Nous avions craint, d’après son passé, quelque chose de trop farouche, des opinions trop personnelles, une âpreté de paroles respectable dans un esprit convaincu et enthousiaste, mais dangereuse à ses progrès, et nuisible à une association du genre de la nôtre. Il nous étonna par la candeur de son caractère et le charme de son commerce. Lui qui nous rendait meilleurs et plus forts en nous parlant et en nous enseignant, il se persuadait recevoir de nous tout ce qu’il nous donnait. Il fut bientôt ici l’objet d’une vénération sans bornes, et vous ne devez pas vous étonner que tant de gens se soient occupés de vous ramener vers lui lorsque vous saurez que son bonheur devint le but des efforts communs, le besoin de tous ceux qui l’avaient approché, ne fût-ce qu’un instant. »


XXXVI.

« Mais le cruel destin de notre race n’était pas encore accompli. Albert devait souffrir encore, son cœur devait saigner éternellement pour cette famille, innocente de tous ses maux, mais condamnée par une bizarre fatalité à le briser en se brisant contre lui. Nous ne lui avions pas caché, aussitôt qu’il avait eu la force de supporter cette nouvelle, la mort de son respectable père, arrivée peu de temps après la sienne propre : car