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— Comment donc, reprit Marcus, s’appelle ce chanteur pour lequel vous me semblez trop sévère ? Je le trouve admirable, moi !

— Ah ! vous ne l’avez pas perdue ? dit à voix basse Consuelo à Liverani qui venait de lui faire sentir dans le creux de sa main la petite croix de filigrane dont elle s’était séparée pour la première fois de sa vie en la lui confiant durant son voyage de Spandaw à ***.

— Vous ne vous rappelez pas le nom de ce chanteur ? reprit Marcus avec obstination en observant attentivement les traits de Consuelo.

— Pardon, monsieur ! répondit-elle avec un peu d’impatience, il s’appelle Anzoleto. Ah ! le mauvais ré ! il a perdu cette note.

— Ne souhaitez-vous pas voir son visage ? Vous vous trompez peut-être. D’ici vous pourriez le distinguer parfaitement, car je le vois très bien. C’est un bien beau jeune homme.

— À quoi bon le regarder ? reprit Consuelo avec un peu d’humeur ; je suis bien sûre qu’il est toujours le même. »

Marcus prit doucement la main de Consuelo, et Liverani le seconda pour la faire lever et regarder par la fenêtre toute grande ouverte. Consuelo qui eût résisté peut-être à l’un céda à l’autre, jeta un coup d’œil sur le chanteur, sur ce beau vénitien qui était en ce moment le point de mire de plus de cent regards féminins, regards protecteurs, ardents et lascifs.

« Il est fort engraissé ! dit Consuelo en se rasseyant et en résistant un peu à la dérobée aux doigts de Liverani, qui voulait lui reprendre la petite croix, et qui la reprit en effet.

— Est-ce là tout le souvenir que vous accordez à un ancien ami ? reprit Marcus qui attachait toujours sur elle un regard de lynx à travers son masque.