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épreuves, il y avait toujours un entretien secret entre les chefs Invisibles et le récipiendaire.

L’intérieur du kiosque en forme de temple, qui servait à ces initiations au château de ***, était magnifiquement orné, et décoré, entre chaque colonne, des statues des plus grands amis de l’humanité. Celle de Jésus-Christ y était placée au milieu de l’amphithéâtre, entre celles de Pythagore et de Platon. Apollonius de Thyane était à côté de saint Jean, Abailard auprès de saint Bernard, Jean Huss et Jérôme de Prague à côté de sainte Catherine et de Jeanne d’Arc. Mais Consuelo ne s’arrêta pas à considérer les objets extérieurs. Toute renfermée en elle-même, elle revit sans surprise et sans émotion ces mêmes juges qui avaient sondé son cœur si profondément. Elle ne sentait plus aucun trouble en la présence de ces hommes, quels qu’ils fussent, et elle attendait leur sentence avec un grand calme apparent.

« Frère introducteur, dit à Marcus le huitième personnage, qui, assis au-dessous des sept juges, portait toujours la parole pour eux, quelle personne nous amenez-vous ici ? Quel est son nom ?

— Consuelo Porporina, répondit Marcus.

— Ce n’est pas là ce qu’on vous demande, mon frère, répondit Consuelo ; ne voyez-vous pas que je me présente ici en habit de mariée, et non en costume de veuve ? Annoncez la comtesse Albert de Rudolstadt.

— Ma fille, dit le frère orateur, je vous parle au nom du conseil. Vous ne portez plus le nom que vous invoquez ; votre mariage avec le comte de Rudolstadt est rompu.

— De quel droit ? et en vertu de quelle autorité ? demanda Consuelo d’une voix brève et forte comme dans la fièvre. Je ne reconnais aucun pouvoir théocratique. Vous m’avez appris vous-mêmes à ne vous recon-