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— Tu es sous la puissance du miracle, répondit Wanda. Dieu bénit ton serment, puisque c’est lui qui t’inspire la foi de le prononcer. Toujours est le mot le plus passionné qui vienne aux lèvres des amants, dans l’extase de leurs plus divines joies. C’est un oracle qui s’échappe alors de leur sein. L’éternité est l’idéal de l’amour, comme c’est l’idéal de la foi. Jamais l’âme humaine n’arrive mieux au comble de sa puissance et de sa lucidité que dans l’enthousiasme d’un grand amour. Le toujours des amants est donc une révélation intérieure, une manifestation divine, qui doit jeter sa clarté souveraine et sa chaleur bienfaisante sur tous les instants de leur union. Malheur à quiconque profane cette formule sacrée ! Il tombe de l’état de grâce dans l’état du péché : il éteint la foi, la lumière, la force et la vie dans son cœur.

— Et moi, dit Consuelo, je reçois ton serment, ô Albert ! et je t’adjure d’accepter le mien. Je me sens, moi aussi, sous la puissance du miracle, et ce toujours de notre courte vie ne me semble rien au prix de l’éternité, pour laquelle je veux me promettre à toi.

— Sublime téméraire ! dit Wanda avec un sourire d’enthousiasme qui sembla rayonner à travers son voile, demande à Dieu l’éternité avec celui que tu aimes, en récompense de ta fidélité envers lui dans cette courte vie.

— Oh ! oui ! s’écria Albert en élevant vers le ciel la main de sa femme enlacée dans la sienne ; c’est là le but, l’espoir et la récompense ! S’aimer grandement et ardemment dans cette phase de l’existence, pour obtenir de se retrouver et de s’unir encore dans les autres ! Oh ! je sens bien, moi, que ceci n’est pas le premier jour de notre union, que nous nous sommes déjà aimés, déjà possédés dans la vie antérieure. Tant de bonheur n’est pas un