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Sur ces entrefaites, il paraît que la jeune baronne Amélie de Rudolstadt arriva à la cour de Bareith avec la princesse de Culmbach, fille de la comtesse Hoditz. S’il faut en croire quelques témoins indiscrets ou exagérateurs, de petits drames assez bizarres se passèrent alors entre ces quatre personnes, Consuelo, Amélie, Corilla et Anzoleto. En voyant paraître à l’improviste le beau ténor sur les planches de l’opéra de Bareith, la jeune baronne s’évanouit. Personne ne s’avisa de remarquer la coïncidence ; mais le regard de lynx de la Corilla avait saisi sur le front du ténor un rayonnement particulier de vanité satisfaite. Il avait manqué son passage d’effet ; la cour, distraite par la pâmoison de la jeune baronne, n’avait pas encouragé le chanteur ; et, au lieu de maugréer entre ses dents, comme il faisait toujours en pareil cas, il avait sur les lèvres un sourire de triomphe non équivoque.

« Tiens ! dit la Corilla d’une voix étouffée à Consuelo en rentrant dans la coulisse, ce n’est ni toi ni moi qu’il aime, c’est cette petite sotte qui vient de faire une scène pour lui. La connais-tu ? qui est-elle ?

— Je ne sais, répondit Consuelo qui n’avait rien remarqué ; mais je puis t’assurer que ce n’est ni elle, ni toi, ni moi qui l’occupons.

— Qui donc, en ce cas ?

— Lui-même, al solito ! » reprit Consuelo en souriant.

La chronique ajoute que le lendemain matin Consuelo fut demandée dans un bosquet retiré de la résidence pour s’entretenir avec la baronne Amélie à peu près ainsi qu’il suit :

« Je sais tout ! aurait dit cette dernière d’un air irrité, avant de permettre à Consuelo d’ouvrir la bouche ; c’est vous qu’il aime ! c’est vous, malheureuse, fléau de ma