Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/131

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si déchirante, ma chère signora ? m’écriai-je en me laissant glisser presque à ses genoux. Si vous ne voulez pas me voir partir désespéré, dites-moi si cette malheureuse aventure est la cause de vos larmes, et si je puis détourner de vous les malheurs que vous redoutez.

Elle releva sa tête penchée sur l’épaule de Lila, et me regardant avec une sorte d’indignation :

— Vous me croyez donc bien lâche ! me dit-elle.

— Je ne crois rien, répondis-je, rien que ce que vous me direz. Mais vous vous détournez de moi et vous pleurez ; comment puis-je savoir ce qui se passe dans votre âme ? Ah ! si je vous ai offensée ou si je vous ai déplu, si je suis la cause involontaire de votre chagrin, comment pourrais-je jamais me le pardonner ?

— Ah ! vous croyez que j’ai peur ? répéta-t-elle avec une sorte d’amertume tendre. Vous me voyez pleurer, et vous dites : C’est une petite fille qui craint d’être grondée !

Elle se mit à pleurer à chaudes larmes en cachant son visage dans son mouchoir. Je m’efforçais de la consoler, je la suppliais de me répondre, de me regarder, de s’expliquer ; et, dans cet instant de trouble et d’attendrissement, je fus entraîné par un mouvement si paternel et si amical, que le hasard amena sur mes lèvres, au milieu des doux noms que je lui donnais, le nom d’un enfant qui m’avait été bien cher. Ce nom, j’avais gardé depuis longues années l’habitude de le donner involontairement à tous les beaux enfants que j’avais occasion de caresser.

— Ma chère signorina, lui dis-je, ma bonne Alezia…

Je m’arrêtai, craignant de l’avoir offensée en lui donnant par mégarde un nom qui n’était pas le sien. Mais elle n’en parut pas offensée ; elle me regarda avec un peu de surprise et me laissa prendre sa main que je couvris de baisers.