Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/145

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mieux mourir que de l’épouser. Je ne le leur avais pas encore dit, parce que je n’aimais personne, et que, fléau pour fléau, j’aimais autant celui-là qu’un autre ; Mais maintenant je vous aime, Lélio ; je dirai à Ettore que je ne veux pas de lui ; nous partirons ensemble, nous irons trouver ma mère, nous lui dirons que nous nous aimons, et que nous voulons nous marier, elle nous donnera son consentement, et vous m’épouserez. Voulez-vous ?

Dès ses premières paroles, j’avais écouté la signora avec un profond étonnement, qui ne cessa pas même lorsqu’elle eut fini. Cette noblesse de cœur, cette hardiesse de pensée, cette force d’esprit, cette audace virile, mêlée à tant de sensibilité féminine ; tout cela, réuni dans une fille si jeune, élevée au milieu de l’aristocratie la plus insolente, me causa une vive admiration, et je ne sortis de ma surprise que pour passer à l’enthousiasme. Je fus sur le point de céder à mes transports, et de me jeter à ses genoux pour lui dire que j’étais heureux et fier d’être aimé d’une femme comme elle, que je brûlais pour elle de la plus ardente passion, que je serais joyeux de donner ma vie pour elle, et que j’étais prêt à faire tout ce qu’elle voudrait. Mais la réflexion m’arrêta à temps, et je songeai à tous les inconvénients, à tous les dangers de la démarche qu’elle voulait tenter. Il était très probable qu’elle serait refusée et sévèrement réprimandée ; et quelle serait alors sa position, après s’être échappée de chez sa tante, pour faire publiquement avec moi un voyage de quatre-vingts lieues ? Au lieu donc de m’abandonner aux mouvements tumultueux de mon cœur, je m’efforçai de redevenir calme, et au bout de quelques secondes de silence, je dis tranquillement à la signora :

— Mais votre famille ?

— Il n’y a au monde qu’une seule personne à qui je reconnaisse des droits sur moi, et dont je craigne d’encourir la colère,