Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/149

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ni laisser soupçonner que je ne dormisse plus. On ne se méfiait pas de moi. On parlait librement. Mais quel entretien inouï ! Ma mère disait : « Si tu m’aimais, tu m’épouserais », et l’homme refusait de l’épouser ! Puis ma mère pleurait, et l’homme aussi ; et j’entendais… ah ! Lélio ! il faut que j’aie bien de l’estime pour vous, puisque je vous raconte cela, j’entendais le bruit de leurs baisers. Il me semblait connaître cette voix d’homme ; mais je ne pouvais en croire le témoignage de mes oreilles. J’avais bien envie de regarder ; mais je n’osais pas faire un mouvement, parce que je sentais que je faisais une chose honteuse en écoutant ; et comme j’avais déjà quelques sentiments élevés, je faisais même des efforts pour ne pas entendre. Mais j’entendais malgré moi. Enfin, l’homme dit à ma mère : « Adieu, je te quitte pour toujours, ne me refuse pas une tresse de tes beaux cheveux blonds. » Et ma mère répondit : « Coupe-la toi-même. »

« Le soin que ma mère prenait de mes cheveux m’avait habituée à considérer la chevelure d’une femme comme une chose très précieuse ; et lorsque je l’entendis donner une partie de la sienne, je fus prise d’un sentiment de jalousie et de chagrin, comme si elle se fût dépouillée d’un bien qu’elle ne devait sacrifier qu’à moi. Je me mis à pleurer silencieusement ; mais, entendant qu’on s’approchait de mon lit, j’essuyai bien vite mes yeux et feignis de dormir. Alors on entrouvrit mes rideaux, et je vis un homme habillé de rouge que je ne reconnus pas d’abord, parce que je ne l’avais pas encore vu sous ce costume : j’eus peur de lui ; mais il me parla, et je le reconnus bien vite ; c’était… Lélio ! vous oublierez cette histoire, n’est-ce pas ?

— Eh bien ! signora ?… m’écriai-je en serrant convulsivement sa main.

— C’était Nello, notre gondolier… Eh bien ! Lélio,