Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/152

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parla de mon père dans les termes les plus convenables ; mais elle m’apprit beaucoup de choses que je ne savais pas. J’avais toujours gardé pour ce père que j’avais à peine connu une sorte d’enthousiasme assez peu fondé. Quand j’appris qu’il n’avait épousé ma pauvre mère que pour sa fortune, et qu’après l’avoir épousée, il l’avait méprisée pour son obscure naissance et son éducation bourgeoise, il se fit en moi une réaction, et peu s’en fallut que je ne le haïsse autant que je l’avais chéri. Ma mère ajouta bien des choses qui me parurent très étranges et qui me frappèrent beaucoup, sur le malheur de faire un mariage du pure convenance, et je crus comprendre que déjà elle n’était pas beaucoup plus heureuse avec son nouveau mari qu’elle ne l’avait été avec celui dont elle me parlait.

« Cet entretien me fit une profonde impression, et je commençai à réfléchir sur cette nécessité de faire du mariage une affaire, et sur l’humiliation d’être recherchée à cause d’un nom ou à cause d’une dot. Je résolus de ne pas me marier, et quelque temps après, causant encore avec ma mère, je lui déclarai ma résolution, pensant qu’elle l’approuverait. Elle en sourit et me dit que le temps n’était pas éloigné où mon cœur aurait besoin d’une autre affection que la sienne. Je lui assurai le contraire ; mais peu à peu je sentis que j’avais parlé témérairement ; car un insupportable ennui me gagnait à mesure que nous quittions notre vie douce et retirée de Venise, pour les voyages et pour la société brillante des autres villes. Puis, comme j’étais très grande et très avancée pour mon âge, à peine étais-je sortie de l’enfance qu’on me parlait déjà de choix et d’établissement, et chaque jour j’entendais discuter les avantages et les inconvénients d’un nouveau parti. Je ne sentais pas encore l’amour s’éveiller en moi ; mais je sentais la répugnance