Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/153

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et l’effroi qu’inspirent aux femmes bien nées les hommes sans cœur et sans esprit. J’étais difficile. Ayant vécu avec une si bonne mère, ayant été idolâtrée par elle, quel homme ne m’eût-il pas fallu rencontrer pour ne pas regretter amèrement son joug aimable et sa tendre protection ! Ma fierté, déjà si irritable par elle-même, s’irrita chaque jour davantage à l’aspect de ces hommes si vains, si nuls et si guindés, qui osaient prétendre à moi. Je tenais à la naissance, parce que jusque-là je m’étais imaginé que les races illustres étaient supérieures aux autres en courage, en mérite, en politesse, en libéralité. Je n’avais vu la noblesse que du fond de la galerie de portraits du palais Aldini. Là tous mes aïeux m’apparaissaient dans leur gloire, ayant tous leurs grands faits d’armes ou leurs pieuses actions consignés sur des bas-reliefs de chêne. Celui-ci avait racheté trois cents esclaves à des corsaires barbaresques pour leur donner la vraie religion et la liberté ; celui-là avait sacrifié tous ses biens pour le salut de la patrie dans une guerre ; un troisième avait versé pour elle tout son sang au champ d’honneur. Mon admiration pour eux était donc légitime, et je ne sentais par leur sang couler moins chaud et moins généreux dans mes veines. Mais combien les descendants des autres patriciens me parurent dégénérés ! Ils n’avaient plus de leur race qu’une insupportable insuffisance et des prétentions révoltantes. Je me demandais où était la noblesse ; je ne la trouvais plus que sur les écussons, aux portes des palais. Je résolus de me faire religieuse, et je priai ma mère avec tant d’instances de me laisser entrer au couvent, qu’elle y consentit. Elle versa beaucoup de larmes en m’y laissant ; le prince Grimani donnait les mains à mon caprice ; car depuis qu’il avait déterré, dans je ne sais quel coin de la Lombardie, une espèce de neveu qui pouvait devenir riche à mes dépens et porter avec éclat, grâce à ma