Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais, outre que je n’aurai peut-être pas l’occasion de le rencontrer, il ne serait pas convenable qu’une jeune personne s’adressât ainsi à un jeune homme. Je pensais à cela précisément ce matin en me promenant à cheval. Vous savez, madame, que dans mon pays les demoiselles sortent seules, et vont à la promenade accompagnées de leur domestique. Je sors donc de grand matin afin d’éviter la chaleur du jour, qui nous paraît bien terrible à nous autres gens du Nord. Comme je passais devant cette jolie maison, j’ai demandé à un paysan à qui elle appartenait. Quand j’ai su qu’elle était à M. le comte Nasi, qui est l’ami de ma famille, sachant précisément qu’il l’avait louée à M. Lélio, j’ai demandé si ce dernier était arrivé. « Pas encore, m’a-t-on répondu ; mais sa femme est venue d’avance pour préparer son établissement de campagne ; c’est une dame très belle et très bonne. » Alors, madame, il m’est venu en tête l’idée d’entrer chez vous et de vous intéresser à mon désir, afin que vous m’accordiez votre protection toute-puissante auprès de votre mari, et qu’il veuille bien accéder à la demande de mes parents, lorsqu’ils la lui adresseront. Puis-je vous demander aussi, madame, de vouloir bien garder mon petit secret, et de prier M. Lélio de le garder également ? car ma famille me blâmerait beaucoup de cette démarche, qui n’a pourtant rien que de très innocent comme vous le voyez.

Elle avait débité ce discours avec une volubilité si britannique ; en saccadant ses mots, en traînant sur les syllabes brèves et en étranglant les longues, elle faisait de si plaisants anglicismes, que je ne songeai plus à voir Alezia dans cette jeune lady, à la fois prude et téméraire. La Checchina, de son côté, ne songea plus qu’à se divertir de son étrangeté. Moi, qui n’étais guère en train de prendre plaisir à ce jeu, je me serais volontiers retiré ;