Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/247

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qu’il est difficile de parler convenablement à une fille dont on est le père. »

Tandis que M. Parquet donnait des ordres à l’écurie, mademoiselle Bonne en donnait à la cuisine, et s’occupait avec activité de préparer le lit et le souper de ses hôtes. Ils arrivèrent peu d’instants après. Ce n’était pas un petit embarras pour l’avoué que d’héberger ces illustres personnages à la ville et à la campagne. La maison du village était très-petite ; cependant elle était très-confortable, comme tout ce qui devait contribuer à embellir l’existence de M. Parquet. M. Parquet était à la fois le plus poétique et le plus positif de tous les hommes. Quand il avait les pieds bien chauds, un fauteuil bien mollet, une table bien servie, de bon vin dans un large verre, il était capable de s’attendrir jusqu’aux larmes, et de déclamer un sonnet de Pétrarque en regardant du coin de l’œil la vieille Jeanne Féline, occupée gravement à tourner son rouet sur le seuil de sa porte. Quoiqu’il fût encore actif, alerte, bien qu’un peu gros, et préservé de toute infirmité, il prenait parfois le ton plaintif et philosophique pour célébrer en petits vers, dans le goût de La Fare et de Chaulieu, la solennité de la tombe, qui s’entr’ouvrait pour le recevoir, et sur le bord de laquelle il voulait encore effeuiller les roses du plaisir.

Mais le mérite de M. Parquet ne se bornait pas à l’aimable humeur d’un vieillard anacréontique. C’était un homme généreux, un ami sincère, un voisin cordial, et, qui plus est, un homme d’affaires voué, depuis le commencement de sa carrière, au culte de la plus stricte probité. Il avait trop d’esprit et de sens pour n’avoir pas su arranger sa vie de manière à contenter les autres et soi-même. Sa grande pratique, sa profonde et impitoyable connaissance des roueries de la procédure, et son activité infatigable, en avaient fait, dans la province, l’homme