Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/312

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que j’arrive au moins au finale le plus tôt possible.

— Je dis, monsieur, reprit Fiamma, insensible en apparence à une raillerie qui lui déchirait les entrailles, car rien n’est plus amer à une personne grave et de bonne foi que le reproche de charlatanisme ; je dis, monsieur, qu’il y a vingt-deux ans que j’existe, et que vous ne vous occupez pas de moi. Il y en a six aujourd’hui (je vous prie de remarquer cet anniversaire) que je vis absolument seule, privée d’une mère adorable, sans conseil, sans appui, entièrement livrée à moi-même. Quoique vivant loin de moi depuis le jour de ma naissance, quoique séparé de moi parles Alpes durant cinq de ces dernières années, vous avez pu prendre sur moi assez d’informations pour savoir que jamais le soupçon d’une faute n’a effleuré ma vie, que jamais l’ombre d’un homme n’a passé sur le mur du parc où vous m’avez laissée à la garde d’une servante infirme et débonnaire ; et depuis que je suis sous vos yeux, si vous avez daigné les jeter sur mes démarches, vous avez pu savoir que je n’ai eu que deux tête-à-tête en ma vie avec un homme : le premier fut amené avec M. Féline par l’effet d’un hasard que je vous ai raconté ; le second, avec le marquis d’Asolo, fut amené par l’effet de votre désir et de votre volonté.

— Est-il vrai que cela soit ainsi ? dit le comte, embarrassé de son rôle et craignant d’avoir à demander pardon.

— Vous m’avez fait l’honneur jusqu’ici, répondit Fiamma, de croire à ma parole et de ne pas la récuser.

— Et c’est peut-être une folie que j’ai faite, répliqua-t-il avec une aménité mêlée d’humeur. Vous êtes toujours là prête à vous emporter comme un cheval ombrageux ou à vous défendre comme un lion blessé !