Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/317

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l’occasion de prévenir ses frais d’éloquence et de lui déclarer, moi, que je ne voulais me soumettre ni à l’amour ni au mariage.

— Il paraît que vous avez parlé clairement et prononcé sans appel, puisqu’il est parti tout de suite ?

— Une heure après ! Voyez comme l’amour est chose facile à guérir ! À l’heure qu’il est, je suis sûre qu’il est à l’auberge de Guéret et qu’il se regarde dans un beau miroir de poche pour s’assurer que l’air de nos montagnes n’a pas altéré la fraîcheur de ses lèvres et la rondeur de ses joues. Mais pourquoi secouez-vous la tête, mère ? On dirait que, dans votre jugement, l’amour est une chose plus sérieuse que cela ?

— Quant à moi, je n’ai pas connu ses douleurs dans ma jeunesse, répondit Jeanne. J’aimai Pierre Féline, mon cousin, et je l’épousai. Nous étions pauvres tous deux ; j’étais une paysanne comme lui ; il n’y eut ni obstacles ni retards. Quand il est mort, j’étais vieille déjà ; alors j’étais habituée au malheur, j’avais enterré successivement onze enfants, et, sans mon Simon, je n’avais plus qu’à mourir. La douleur est le fait de la vieillesse ; je ne me révoltai pas d’être éprouvée après avoir été heureuse. Cependant, si j’étais appelée aujourd’hui à voir périr mon Simon, mon dernier bonheur, ma seule consolation !… Ah ! Dieu me préserve seulement d’y songer !

— Et pourquoi auriez-vous cette affreuse pensée ? Simon est d’une bonne santé.

— Hélas ! pas trop !

— Mais il a la force d’âme qui commande au corps de vivre.

— Il n’a bien que trop de force d’âme comme cela ! elle le ronge ! Mais parlons de vous, Fiamma.

— Non, parlons de lui, mère Jeanne. Moi, je suis forte, bien portante, tranquille, délivrée de mon cousin ;