Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/126

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mait l’ardeur d’un attelage, et me rappelait au sentiment de la locomotion et de la vie ; mais ces bruits secs et rapides, amortis par l’effet de la neige, se perdaient brusquement, et le mutisme absolu de l’hiver polaire reprenait sa rassurante et solennelle éloquence. Pas un craquement dans les glaces, pas un éboulement de neige, rien qui pût faire pressentir les horribles cataclysmes que le dégel amène dans ces masses flottantes.

Était-ce l’effet d’un éternel crépuscule, ou la magie des reflets de ces blocs limpides, ou de quelque autre phénomène dont la notion m’échappait ? Je voyais clair, non pas comme en plein jour, mais comme sous l’action d’une lumière électrique voilée tantôt de bleu verdâtre, tantôt rehaussée de pourpre ou de jaune d’or. Je distinguais les moindres détails du sublime décor que nous traversions, et qui, changeant à chaque pas de forme et d’aspect, présentait une suite de merveilleux tableaux. Tantôt les icebergs se découpaient en blocs anguleux qui projetaient au-dessus de nos têtes d’immenses dais frangés de stalactites, tantôt leurs