Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/127

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flancs s’écartaient, et nous traversions une forêt de piliers trapus, évasés, monstrueux champignons surmontés de chapiteaux d’un style cyclopéen. Ailleurs, c’étaient des colonnes élancées, des arceaux prodigieux, des obélisques réguliers, ou entassés les uns sur les autres, comme s’ils eussent voulu escalader le ciel, puis des cavernes d’une profondeur miroitante et insaisissable, de lourds frontons de palais indigents gardés par des monstres informes. Toutes les idées d’architecture étaient là comme ébauchées, puis abandonnées dans l’accès d’un incommensurable délire, ou arrêtées subitement par des désastres inénarrables.

Ces régions fantastiques serrent le cœur de l’homme, parce qu’il n’en aborde pas les menaces implacables sans avoir fait le sacrifice de sa vie, et qu’il la sent ébranlée à toute heure par des forces que sa science, son courage et son industrie n’ont pas encore pu vaincre ; mais, dans la situation exceptionnelle où je me trouvais, le corps protégé par un bien-être inexprimable et l’esprit noyé dans une sécurité plus étonnante encore, je ne voyais