Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/156

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montré beaucoup de courage et de patience. Je commençais à comprendre leur langage, à m’habituer à leurs costumes, et tel d’entre eux qui avait à peine figure humaine avait en lui des sentiments vraiment humains. Voyons, mon oncle, où les avez-vous envoyés ? Cette terre est sans doute un éden où ils peuvent errer sans rien craindre.

― Cette terre, répondit Nasias, est un éden que je ne compte nullement partager avec des êtres indignes de le posséder. Ces brutes n’eussent pas vécu ici trois jours sans nous mettre en lutte contre toutes les forces animales de la nature. Je les ai congédiées ; prends-en ton parti, tu ne les reverras jamais, non plus que leurs pirogues, leurs compagnons, leurs traîneaux et leurs chiens. Nous sommes ici et sur toute la mer qui nous enferme les monarques absolus. C’est à nous de trouver, à nous seuls, les moyens d’en sortir quand il nous plaira. Rien ne presse, nous sommes bien. Lève-toi, prends un bain dans ce charmant ruisseau qui murmure à deux pas de toi, cueille ton déjeuner sur la première branche venue, et songeons à ex-