Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/170

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hommes ; elles ne refusent pas le travail et ne demandent rien pour leur peine. Plus j’y songe, plus je me dis que les hommes feront le service de mon exploitation sans que je permette à mes brutes d’esclaves de contrarier les animaux.

Nous mîmes un jour entier à traverser cette région forestière, qui était admirable de puissance et de majesté. Nous n’y vîmes que des arbres à feuilles persistantes, des houx, des conifères et diverses espèces de genévriers gigantesques. Des reptiles effroyables rampaient dans les amas de pointes sèches qui nous cachaient le sol ; mais ces animaux nous parurent inoffensifs, et nous traversâmes les bois sans avoir aucun combat à livrer.

Plus nous avancions, plus Nasias montrait de résolution et de confiance, tandis que je sentais je ne sais quelle secrète horreur s’emparer de moi. Ce monde inexploré avait dans sa mâle beauté une physionomie de plus en plus menaçante. C’est en vain que les animaux s’y montraient indifférents à la vue et au contact de l’homme. Cette indifférence même avait quelque chose de si méprisant, que le