Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/203

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cailloux. Cela peut se résumer en quelques mots. Le duc régnant de Fischhausen, qui aimait et protégeait la science, trouva un beau matin que la plus belle science était l’art de tuer les animaux. Ses favoris lui persuadèrent que, pour être un grand prince, un souverain véritable, il fallait dépenser la meilleure part de son revenu en prouesses cynégétiques. Dès lors, la géologie, l’anatomie comparée, la physique et la chimie furent reléguées à l’arrière-plan, et les pauvres savants eurent des appointements si minces et des encouragements si décourageants, qu’il nous devint impossible de nourrir nos familles. Ma chère Laura, à qui je compte vous présenter tout à l’heure, m’ayant donné plusieurs enfants, et mon beau-père m’engageant à ne pas les laisser mourir de faim, j’ai dû quitter la docte ville de Fischhausen, désormais retentissante des instructives fanfares de la chasse et des salutaires clameurs des chiens courants. Je suis venu m’établir ici, où, grâce au bon papa Christophe, j’ai pu acquérir le fonds que j’exploite et me livrer à un commerce assez lucratif, sans