Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/323

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bien de cruautés la coutume, et aussi, hélas ! la nécessité encore implacable, nous habituent ! Ces pauvres êtres qui pensent cependant ! ne croyez pas que ce soient des machines qui se meuvent, et qui remuent mécaniquement quatre jambes pour avancer n’importe dans quelle direction et arriver à n’importe quel gîte. Ces machines voient et observent, elles savent où elles sont et où elles vont. Ce pays que vous traversez et dont vous savez le nom, votre cheval le connaît mieux que vous. Il a des lassitudes morales à l’approche d’une rude montée dont il se souvient bien, des gaietés soudaines et des gonflements de naseaux expressifs au revers d’une colline d’où il découvre au loin un gîte connu. Il hennit à un clocher qu’il voit et que vous distinguez à peine à l’horizon. Il reconnaît dans une forêt, dans une rangée d’arbres monotones, l’arbre qui lui a donné une seule fois l’ombre et le repos. Il connaît si bien la figure, la couleur et la forme des choses et des êtres, qu’il retrouve son compagnon au milieu de mille autres. Rétif à certain cavalier maladroit et gênant, il le recon-