Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/81

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Dans mes souvenirs d’enfance, le père de Laura était un homme gras, blond, vermeil, d’une figure douce et riante ; celui que j’avais devant les yeux était maigre, olivâtre, d’un type à la fois énergique et rusé. Il portait sous le menton une petite barbe très noire qui ressemblait assez à celle d’une chèvre, et ses yeux avaient acquis une expression satanique. Il était coiffé d’un haut bonnet de fine fourrure d’un noir de jais et vêtu d’une robe chamarrée d’or et de broderies d’une richesse incomparable. Un magnifique cachemire de l’Inde ceignait sa taille, et un yatagan couvert de pierreries étincelait à son côté. Je ne sais si le soleil de l’Orient, les grandes fatigues des voyages, l’habitude des grands périls et la nécessité d’une vie mêlée de ruse et d’audace l’avaient transformé à ce point, ou si mes souvenirs étaient complètement infidèles : il m’était impossible de le reconnaître, et je restais dans le doute si je ne me trouvais pas aux prises avec un imposteur effronté.

Ce soupçon me donna la force de soutenir son regard acéré avec une fierté dont il se montra tout