Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/89

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était redevenue suave et caressante. Allons, raconte, mon cher Alexis ; je t’écoute.

Surpris de l’intérêt qu’il prenait à mon aventure, et au risque d’être engagé par lui dans un piège, je cédai au plaisir de raconter ce qui avait laissé en moi un souvenir si cher et si précis, ce que personne encore n’avait daigné écouter sérieusement. Je dois dire que j’eus, cette fois, un auditeur incomparable. Ses yeux brillaient comme deux diamants noirs, sa bouche entrouverte semblait boire avidement chacune de mes paroles ; il bondissait avec enthousiasme, m’interrompait par des cris de joie qui ressemblait à des rugissements, se tordait comme une couleuvre avec des éclats de rire convulsifs, et, quand j’eus fini, il me fit recommencer et nommer chaque station de mon voyage, chaque aspect du pays fantastique, en me demandant la distance relative, l’étendue, la hauteur, l’orientation de chaque montagne et de chaque vallée, comme s’il se fût agi d’une contrée réelle, et possible à parcourir autrement que sur les ailes de l’imagination.