Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/163

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sions son adresse et sa force, et l’endroit était praticable, puisqu’un autre homme s’y risquait. Pourtant nous avions l’esprit frappé et nous ne le vîmes pas sans inquiétude s’enfoncer et disparaître sous les broussailles qui tapissaient le talus. Au bout d’un instant, n’y pouvant tenir, je le suivis, sans faire part aux autres de ma préoccupation.

L’abîme était encore plus profond qu’il ne nous avait paru ; à la moitié de son escarpement, il devenait moins difficile, et je commençais à voir le fond, quand un homme d’un aspect repoussant de saleté et armé d’un fusil dirigé sur moi sortit de derrière un rocher et me dit en mauvais français :

— Vous pas bouger, pas craindre, pas crier, — ou mort. Vous avancer, vous voir !

Il me saisit le bras et me fit faire deux pas en avant. Je vis alors dans une sorte d’entonnoir à pic où coulait, je crois, un filet d’eau, Moranbois l’intrépide, l’invincible Moranbois, terrassé par six hommes qui le garrottaient et le bâillonnaient. Autour d’eux, une vingtaine d’autres, armés de fusils, de pistolets et de couteaux, rendaient tout espoir de secours impossible. Le guide et les autres montures avaient disparu. Seule, la mule de Moranbois