Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/193

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veur ; mais il avait en moi une telle confiance, qu’il ne voulut pas me faire connaître sa première impression. Avec cette patience du paysan qui sait attendre que le blé germe et mûrisse, il voulut ne s’en rapporter qu’à ma prochaine lettre. Je lui écrivais tous les mois, et mes lettres tendaient toujours à maintenir sa sécurité. Je ne lui avais pas raconté mes terribles aventures, et je n’avais plus qu’à lui rendre bon compte de mes études sans lui en dire la nature et le but.

Il se rassura. J’étais un bon fils, je ne pouvais pas le tromper. Si j’étais comédien, c’était sans doute quelque chose d’honorable et de sage qu’il ne pouvait pas juger ; mais il lui resta une tristesse sur le cœur, et il en fut plus assidu à l’église afin de prier pour moi.

Très-croyant, il n’avait jamais été dévot. Il le devint, et le curé prit de l’ascendant sur lui. Alors, peu à peu ses inquiétudes furent réveillées et entretenues. On combattit sa confiante apathie, on me présenta à ses yeux comme une brebis égarée, puis comme un pécheur endurci ; enfin un jour on lui déclara que, s’il ne m’arrachait aux griffes de Satan, je serais damné, que j’aurais une