Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gnifier : « Crois cela, si bon te semble ; tu ne devineras jamais. »

J’y renonçai, mais alors je fis tout ce qui est humainement possible pour lui remontrer combien sa passion romanesque était insensée. Elle n’était sûre de rien dans l’avenir, pas même de plaire, et elle sacrifiait sa jeunesse à un rêve, à un parti pris qui ressemblait à une monomanie.

— Eh bien, répondit-elle, cela ressemble à l’amour que tu as pour moi. Dès le premier jour, tu as su que j’aimais un absent. J’ai dit cela bien haut la première fois que, dans le foyer de l’Odéon, tu m’as regardée avec des yeux trop expressifs. Je te l’ai répété en toute occasion, et cela est. Ne pouvant avoir mon amour, tu as voulu mon amitié. Tu l’as conquise, tu l’as. Tu t’en es contenté trois ans, tu n’as pas voulu l’échanger contre des agitations qui nous eussent fait du mal en pure perte. Tu sais que j’aurais fui ! Tu t’es trouvé heureux avec nous, même à travers les plus grandes misères et les plus douloureuses épreuves ; nous nous sommes tous chéris avec enthousiasme, et, conviens-en, il y a eu des jours, des semaines, des mois entiers peut-être, où nous étions si montés, si exaltés, que tu