Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ture qui m’a fait ainsi ; je prétends sans cesse à être sublime à mes propres yeux, et à l’être par le fait de ma volonté. Enfin la vertu est mon rôle, et je n’en veux pas jouer d’autre. Je sais que je le jouerai toujours, ou que je me prendrai en dégoût et en aversion. Vous ne comprenez pas cela ? vous me prenez pour un fou ? Vous ne vous trompez pas, je le suis ; mais ma folie est belle, et, puisqu’il m’en faut une, ne cherchez pas à m’ôter celle-là. J’ai été vraiment stoïque dans mon village, car tout le monde m’y a cru heureux, et certes je ne l’étais qu’en de rares moments, quand je pouvais me dire : « Tu as réussi à être grand. » La vie de mon père, sa sécurité, qui était mon ouvrage, c’était la raison d’être de mon sacrifice. J’en étais arrivé à ne plus rien regretter du passé. À présent, qu’ai-je à faire ici qui soit digne de moi ? Avoir de belles manières, m’exprimer plus purement, avoir plus de littérature que la plupart des messieurs qui m’observent et m’auscultent pour savoir s’ils m’accepteront comme un des leurs ? C’est vraiment trop facile, et ce n’est pas là un idéal dont je me sente bien jaloux.

Je lui demandai si l’on savait dans son nouveau pays qu’il eût joué la comédie.