Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/302

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nocente pour cela. On ne s’en inquiéta nullement ; on n’y attachait aucune importance, et, comme on ne parlait de Bellamare que pour vanter sa probité, son talent, son instruction littéraire, son savoir vivre et le charme de sa conversation, rien ne combattit mon idéal.

» Quand vint l’âge de raison, je ne parlais plus de lui, mais je rêvais d’être actrice et ne m’en vantais pas. Tous les ans, on jouait une nouvelle comédie pour la fête de mon père. Bellamare n’était plus là, mais je m’efforçais de jouer de mieux en mieux. On me trouvait remarquable, je croyais l’être, je m’en réjouissais. Je n’avais de goût que pour la littérature de théâtre, j’apprenais et je savais par cœur tout le répertoire classique. J’écrivais même de petites comédies bien niaises, et je faisais de grands vers, bien maladroits sans doute, mais que mon bon père trouvait admirables. Il encourageait mon goût et ne devinait rien.

» Vous savez dans quelle douloureuse circonstance j’allai trouver Bellamare pour lui confier mes malheurs et mes projets. Dans cette entrevue secrète, je le vis profondément ému ; au premier abord, il m’avait paru très-vieilli. Son regard at-