Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/323

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— Non, non, reprit-elle. J’en ai perdu deux que l’on m’a fait mettre en nourrice, sous prétexte qu’ils seraient mieux soignés. J’ai bien juré que, si j’avais le bonheur d’en avoir un autre, il ne me quitterait pas. Est-ce qu’un enfant peut être mal dans les bras, de sa mère ? Celui-là est né sous un quinquet, dans la coulisse, comme je sortais de scène. Il est toujours dans la coulisse quand je joue, et il ne crie pas ; il sait déjà qu’il ne faut pas crier là. Il est content de me voir en costume : il aime le clinquant. Il est fou de joie quand je suis en rouge ; il adore les plumes !

— Et il sera comédien ? demandai-je.

— Certainement, pour ne pas me quitter… D’ailleurs, si c’est le plus dur des métiers, c’est encore celui où l’on a, de temps en temps, le plus de bonheur.

— Allons ! dit Moranbois, rhabille-toi et donne moi mon filleul.

Il prit l’enfant, le traita tendrement de crapaud, et le promena dans les corridors en lui chantant de sa voix caverneuse et fausse je ne sais quel air impossible à reconnaître, mais que le marmot goûta fort et essaya de chanter aussi à sa manière.