Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/324

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Un souper exquis et ravissant nous réunit tous de minuit à six heures du matin. Les cristaux de Venise étincelaient de leurs vives couleurs au feu des bougies. Les fleurs de la serre, étagées sur un gradin circulaire, nous entouraient de parfums printaniers, pendant que la neige continuait à joncher le parc éclairé par la pleine lune. Nous étions plus bruyants à nous huit qu’une bande d’étudiants. On parlait tous à la fois, on trinquait à tous les souvenirs, et puis on se mettait à écouter Bellamare racontant, avec un charme incomparable que Laurence ne m’avait nullement exagéré : sa campagne d’Amérique, une répétition musicale où l’on avait juré de ne pas s’interrompre ni de manquer la mesure en franchissant en steamer les rapides du Saint-Laurent, une nuit de bombance à Québec où l’on avait soupé à la lueur de l’aurore boréale, une nuit de détresse où l’on s’était perdu dans la forêt vierge, des jours de fatigue et de jeûne dans le désert au delà des grands lacs, une rencontre fâcheuse avec des sauvages, une autre avec des troupeaux de bisons, de grandes ovations en Californie, où l’on avait eu des Chinois pour machinistes, etc. Quand il nous avait enchaînés par