Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/64

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âge, et ces vassaux guerriers étaient plutôt ses maîtres que ses clients. Il était chrétien fervent, et il avait un harem de femmes voilées qu’on n’apercevait jamais. Comme avec le mélange des mœurs et coutumes qui caractérise les provinces limitrophes il avait cette particularité d’être Français par sa mère et par ses années de lycée, il offrait le type le plus bizarre que j’aie jamais rencontré, et je dois vous dire que, sans sa richesse relative et son patriotisme éprouvé, il n’eût probablement pas été accepté par ses voisins, plus sérieusement dramatiques, les chefs éternellement insurgés du Monténégro et de la Bosnie.

Ses sujets, au nombre d’environ douze cents, étaient de toutes les origines et se vantaient d’avoir des aïeux mirdites, guègues, bosniaques, croates, vénitiens, serbes, russes ; il y avait peut-être aussi des Auvergnats ! Ils étaient de toutes les religions, juifs, arméniens, coptes, russes, catholiques latins, catholiques grecs ; il y avait même parmi eux bon nombre de musulmans, et ceux-ci n’étaient pas les moins dévoués à la cause de l’indépendance nationale. Le prince possédait aussi un village, c’est-à-dire un campement de tchinganes idolâtres.