Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/72

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vitâmes nous-mêmes et descendîmes de notre observatoire avec la résolution de gens qui n’avaient nulle envie de recommencer le jeûne de l’écueil maudit.

Le prince, qui présidait le banquet, était en train de porter un toast qui dégénérait en speech. Nous nous dirigeâmes droit sur le frère Ischirion, qui officiait en plein vent, et Bellamare s’empara d’une casserole qui bouillait sur la cantine et qui contenait la moitié d’un mouton avec du riz. Le moine voulut s’y opposer.

— Veux-tu que je te crève ? lui dit Moranbois en fixant sur lui son regard d’oiseau de proie. Le malheureux comprit ce regard à défaut de la formule de menace, soupira et laissa faire.

Réfugiés et cachés dans un massif de lentisques, nous fîmes chère lie, chacun de nous se détachant à son tour pour aller s’emparer ouvertement, qui d’une pièce de gibier, qui d’un poisson du lac de la vallée voisine. Le prince s’aperçut de notre manège, et, se dérobant un moment aux soins de son empire, il se glissa parmi nous, s’excusant de ne pas nous avoir invités à ce festin tout militaire, parce que ce n’était pas l’usage d’y admettre des étran-