Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/86

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— Pour personne ! que dis-tu là ?

— Ta prudence et ton silence ne me trompent pas, mon camarade ! Nous sommes blessés tous deux, toi par un amour dompté faute d’espoir, moi par un amour enterré faute d’estime.

Ce fut la seule fois que Léon m’ouvrit son cœur. J’ai bien vu depuis que, s’il n’aimait plus Anna, il souffrait toujours de l’avoir aimée.

Le jour suivant, frère Ischirion vint nous dire que le prince désirait savoir l’heure à laquelle il plairait à ces dames de dîner avec lui. Avant de répondre, nous voulûmes connaître les habitudes de Son Altesse. Des réponses du moine, il résulta pour nous que le héros était à la fois sobre et glouton. Comme les loups, il pouvait jeûner indéfiniment et, au besoin, manger de la terre ; mais, quand il s’attablait, il mangeait comme quatre et buvait comme six. En temps ordinaire, il ne faisait qu’un solide repas par jour, à trois heures de l’après-midi. Le matin et le soir, il se contentait de quelques friandises. Nous résolûmes de nous conformer au programme, à la condition qu’aux friandises on ajouterait pour nous des œufs, du fromage et beaucoup de jambon. Tout ceci décidé, on demanda au