Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/98

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leur offrit le prince, et, se plaçant à distance convenable, les lumières bien disposées et le fauteuil royal mis en état, c’est-à-dire posé à son plan, elles commencèrent la scène :

   Ah ! que ne suis-je assise à l’ombre des forêts !

J’étais curieux de voir comment Impéria, dont la voix était cristalline plutôt que tragique, réciterait ces vers de contralto, et comment son jeu si délicat et si mesuré se plierait à la sombre attitude de la femme dévorée d’amour. Elle avait ri d’avance du fiasco qu’elle allait faire et nous avait priés de l’applaudir quand même, afin que le prince, qui ne devait guère s’y connaître, ne s’aperçût pas de son insuffisance.

Quelle ne fut pas ma surprise, celle de Bellamare et de tous les autres, quand nous vîmes tout d’un coup Impéria changer de figure, et, comme inspirée par la pensée du rôle, trouver, sans l’avoir jamais cherchée, l’attitude brisée et absorbée de la grande victime du destin ! Son œil se creusa et redevint fixe comme si elle interrogeait encore sur l’écueil maudit les voiles décevantes qui s’effaçaient à l’horizon. Tout ce que nous avions souffert nous rede-