Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/116

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devant moi en me toisant avec audace ; mais son œil était arrondi par la peur, et une sueur froide baignait son front altier. Il sortit avec Leporello, et le rideau se referma pendant que les esprits reprenaient le chœur du commencement de la scène :

Di rider finirai, etc.

Aussitôt dona Anna vint me prendre par la main, et m’aidant à me débarrasser du masque, elle me conduisit au bord du rideau, en me disant de regarder avec précaution dans la salle. Le parterre de cette salle, qui n’était garni que d’une douzaine de fauteuils, d’une table chargée de papiers et d’un piano à queue, devenait, dans les entr’actes, le foyer des acteurs. J’y vis le vieux Boccaferri s’éventant avec un éventail de femme, et respirant à pleine poitrine comme un homme qui vient d’être réellement très-ému. Célio rassemblait des papiers sur la table ; Béatrice, belle comme un ange, en costume de Zerlina, tenait par la main un charmant garçon encore imberbe, qui me sembla devoir être Masetto. Un cinquième personnage, enveloppé d’un domino de bal, qui, retroussé sur sa hanche, laissait voir une manchette de dentelle sur un bas de soie noire, me tournait le dos. C’était la troisième prétendue demoiselle de Balma, la sourde, costumée en Ottavio, qui m’avait intrigué dans le jardin ; mais était-ce là Cécilia ? Elle me paraissait plus grande, et cette tournure dégagée, cette pose de jeune homme, ne me rappelaient pas la Boccaferri, à laquelle je n’avais jamais vu porter sur la scène les vêtements de notre sexe.

J’allais demander son nom à Stella, lorsque celle-ci mit le doigt sur ses lèvres et me fit signe d’écouter.

— Pardieu ! disait Boccaferri à Célio, qui lui faisait compliment de la manière dont il avait joué, on aurait