Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/170

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vous parler comme à un frère, me dit-elle. Quelques mots de Célio tendraient à me faire croire que vous êtes amoureux de moi, et moi, je ne crois pas que vous y songiez maintenant. Voilà pourquoi je viens vous ouvrir mon cœur.

« Je sais qu’il y a deux mois, lorsque vous m’avez connue dans un état voisin de la misère, vous avez songé à m’épouser. J’ai vu là la noblesse de votre âme, et cette pensée que vous avez eue vous assure à jamais mon estime ! et, plus encore, une sorte de respect pour votre caractère. »

Elle prit ma main et la porta contre son cœur, où elle la tint pressée un instant avec une expression à la fuis si chaste et si tendre, que je pliai presque un genou devant elle.

— Écoutez, mon ami, reprit-elle sans me donner le temps de lui répondre, je crois que j’aime Célio ! voilà pourquoi, en vous faisant cet aveu, je crois avoir le droit de vous adresser une prière humble et fervente au nom de l’affection la plus désintéressée qui fut jamais : fuyez la duchesse de *** ; détachez-vous d’elle, ou vous êtes perdu !

— Je le sais, répondis-je, et je vous remercie, ma chère Cécilia, de me conserver ce tendre intérêt ; mais ne craignez rien, ce lien funeste n’a pas été contracté ; votre douce voix, une inspiration de votre cœur généreux et quatre phrases du divin Mozart m’en ont à jamais préservé.

— Vous les avez donc entendues ? Dieu soit loué !

— Oui, Dieu soit loué ! repris-je, car ce chant magique m’a attiré jusqu’ici à mon insu, et j’y ai trouvé le bonheur.

Cécilia me regarda avec surprise.

— Je m’expliquerai tout à l’heure, lui dis-je ; mais,