Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/171

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vous, vous avez encore quelque chose à me dire, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit-elle, je vous dirai tout, car je tiens à votre estime, et, si je ne l’avais pas, il manquerait quelque chose au repos de ma conscience. Vous souvenez-vous qu’à Vienne, la dernière fois que nous nous y sommes vus, vous m’avez demandé si j’aimais Célio ?

— Je m’en souviens parfaitement, ainsi que de votre réponse, et vous n’avez pas besoin de vous expliquer davantage, Cécilia. Je sais fort bien que vous fûtes sincère en me disant que vous n’y songiez pas, et que votre dévouement pour lui prenait sa source dans les bienfaits de la Floriani. Je comprends ce qui s’est passé en vous depuis ce jour-là, parce que je sais ce qui s’est passé en lui.

— Merci, ô merci ! s’écria-t-elle attendrie ; vous n’avez pas douté de ma loyauté ?

— Jamais.

— C’est le plus grand éloge que vous puissiez commander pour la vôtre ; mais, dites-moi, vous croyez donc qu’il m’aime ?

— J’en suis certain.

— Et moi aussi, ajouta-t-elle avec un divin sourire et une légère rougeur. Il m’aime, et il s’en défend encore ; mais son orgueil pliera, et je serai sa femme, car c’est là toute l’ambition de mon âme, depuis que je suis dama e comtessa garbata. Lorsque vous m’interrogiez, Salentini, je me croyais pour toujours obscure et misérable. Comment n’aurais-je pas refoulé au plus profond de mon sein la seule pensée d’être la femme du brillant Célio, de ce jeune ambitieux à qui l’éclat et la richesse sont des éléments de bonheur et des conditions de succès indispensables ? J’aurais rougi de m’avouer à moi-même que j’étais émue en le voyant ; il ne l’aurait jamais su ; je crois