Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/177

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préliminaire, autrement que nous, et nous étions tout ravis de leur voir trouver d’inspiration des caractères nouveaux et des scènes meilleures que celles du texte.

Nous avions encore la ressource de faire de bonnes pièces avec de fort mauvaises. Boccaferri excellait à ce genre de découvertes. Il fouillait dans sa bibliothèque théâtrale, et trouvait un sujet heureux à exploiter dans une vieillerie mal conçue et mal exécutée.

— Il n’est si mauvaise œuvre tombée à plat, disait-il, où l’on ne trouve une idée, un caractère ou une scène dont on peut tirer un bon parti. Au théâtre, j’ai entendu siffler cent ouvrages qui eussent été applaudis, si un homme intelligent eût traité le même sujet. Fouillons donc toujours, ne doutons de rien, et soyez sûrs que nous pourrions aller ainsi pendant dix ans et trouver tout les soirs matière à inventer et à développer.

Cette vie fut charmante et nous passionna tous à tel point, que cela eût semblé puéril et quasi insensé à tout autre qu’à nous. Nous ne nous blasions point sur notre plaisir, parce que la matinée entière était donnée à un travail plus sérieux. Je faisais de la peinture avec Stella ; le marquis et sa fille remplissaient assidûment les devoirs qu’ils s’étaient imposés ; Célio faisait l’éducation littéraire et musicale de son jeune frère et de notre petite sœur Béatrice, à laquelle aussi on me permettait de donner quelques leçons. L’heure de la comédie arrivait donc comme une récréation toujours méritée et toujours nouvelle. La porte d’ivoire s’ouvrait toujours comme le sanctuaire de nos plus chères illusions.

Je me sentais grandir au contact de ces fraîches imaginations d’artistes dont le vieux Boccaferri était la clé, le lien et l’âme. Je dois dire que Lucrezia Floriani avait bien connu et bien jugé cet homme, le plus improductif et le plus impuissant des membres de la société officielle,