Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/40

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humide me répugne, une pression saccadée m’irrite, une main qui ne prend que du bout des doigts me fait peur ; mais une main souple et chaude, qui sait presser la mienne bien fort sans la blesser, et qui ne craint pas de livrer à une main virile le contact de sa paume entière, m’inspire une confiance et même une sympathie subite. Certains observateurs des variétés de l’espèce humaine s’attachent au regard, d’autres à la forme du front, ceux-ci à la qualité de la voix, ceux-là au sourire, d’autres enfin à l’écriture, etc. Moi, je crois que tout l’homme est dans chaque détail de son être, et que toute action ou aspect de cet être est un indice révélateur de sa qualité dominante. Il faudrait donc tout examiner, si on en avait le temps ; mais, dès l’abord, j’avoue que je suis pris ou repoussé par la première poignée de main.

Je m’assis auprès de Célio, et tâchai de le consoler de son échec en lui parlant de ses moyens et des parties incontestables de son talent. « Ne me flattez pas, ne m’épargnez pas, s’écria-t-il avec franchise. J’ai été mauvais, j’ai mérité de faire naufrage ; mais ne me jugez pas, je vous en supplie, sur ce misérable début. Je vaux mieux que cela. Seulement je ne suis pas assez vieux pour être bon à froid. Il me faut un auditoire qui me porte, et j’en ai trouvé un ce soir qui, dès le commencement, n’a fait que me supporter. J’ai été froissé et contrarié avant l’épreuve, au point d’entrer en scène épuisé et frappé d’un sombre pressentiment. La colère est bonne quelquefois, mais il la faut simultanée à l’opération de la volonté. La mienne n’était pas encore assez refroidie, et elle n’était plus assez chaude : j’ai succombé. Ô ma pauvre mère ! si tu avais été là, tu m’aurais électrisé par ta présence, et je n’aurais pas été indigne de la gloire de porter ton nom ! Dors bien sous tes cyprès, chère sainte ! Dans l’état