Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/41

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où me voici, c’est la première fois que je me réjouis de ce que tes yeux sont fermés pour moi !

Une grosse larme coula sur la joue ardente du beau Célio. Sa sincérité, ce retour enthousiaste vers sa mère, son expansion devant moi, effaçaient le mauvais effet de son attitude sur la scène. Je me sentis attendri, je sentis que je l’aimais. Puis, en voyant de près combien sa beauté était vraie, son accent pénétrant et son regard sympathique, je pardonnai à la duchesse de l’avoir aimé deux jours ; je ne lui pardonnai pas de ne plus l’aimer.

Il me restait à savoir s’il était aimé aussi de Cécilia Boccaferri. Elle sortit de sa toilette et vint s’asseoir entre nous deux, nous prit la main à l’un et à l’autre, et, s’adressant à moi : — C’est la première fois que je vous serre la main, dit-elle, mais c’est de bon cœur. Vous venez consoler mon pauvre Célio, mon ami d’enfance, le fils de ma bienfaitrice, et c’est presque une sœur qui vous en remercie. Au reste, je trouve cela tout simple de votre part ; je sais que vous êtes un noble esprit, et que les vrais talents ont la bonté et la franchise en partage…. Ecoute, Célio, ajouta-t-elle, comme frappée d’une idée soudaine, va quitter ton costume dans ta loge, il est temps : moi, j’ai quelques mots à dire à M. Salentini. Tu reviendras me prendre, et nous partirons ensemble.

Célio sortit sans hésiter et d’un air de confiance absolue. Était-il sûr, à ce point, de la fidélité de sa maîtresse ?… ou bien n’était-il pas l’amant de Cécilia ? Et pourquoi l’aurait-il été ? pourquoi en avais-je la pensée, lorsque ni elle ni lui ne l’avaient peut-être jamais eue ?

Tout cela s’agitait confusément et rapidement dans ma tête. Je tenais toujours la main de Cécilia dans la mienne, je l’y avais gardée ; elle ne paraissait pas le trouver mauvais. J’interrogeais les fibres mystérieuses de cette petite