Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/44

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le rire franc, bref et harmonieusement rhythmé d’une petite fille épanouie et bonne.— Oui, oui, dit-elle, il faut que je sois bien distraite pour m’être exprimée comme je l’ai fait sur le compte de Célio, sans songer que vous alliez prendre le change et me supposer amoureuse de lui… mais qu’importe ? Il y aurait de la pédanterie de ma part à m’en défendre, lorsque cela doit vous paraître très-naturel et très-indifférent.

— Très-naturel… c’est possible… Très-indifférent… c’est possible encore ; mais je vous prie cependant de vous expliquer.— Et je pris le bras de Cécilia avec une brusquerie involontaire dont je me repentis tout à coup, car elle me regarda d’un air étonné, comme si je venais de la préserver d’une brûlure ou d’une araignée. Je me calmai aussitôt et j’ajoutai : — Je tiens à savoir si je suis assez votre ami pour que vous m’ayez confié votre secret, ou si je le suis assez peu pour qu’il vous soit indifférent, à vous, de n’être pas connue de moi.


— Ni l’un ni l’autre, répondit-elle. Si j’avais un tel secret, j’avoue que je ne vous le confierais pas sans vous connaître et vous éprouver davantage ; mais, n’ayant point de secret, j’aime mieux que vous me connaissiez telle que je suis. Je vais vous expliquer mon dévouement pour Célio, et d’abord je dois vous dire que Célio a deux sœurs et un jeune frère pour lesquels je me dévouerais encore davantage, parce qu’ils pourraient avoir plus besoin que lui des services et de la sollicitude d’une femme. Oh ! oui, si j’avais un sort indépendant, je voudrais consacrer ma vie à remplacer la Floriani auprès de ses enfants, car l’être que j’aime de passion et d’enthousiasme, c’est un nom, c’est une morte, c’est un souvenir sacré, c’est la grande et bonne Lucrezia Floriani !

Je pensai, malgré moi, à la duchesse, qui, une heure auparavant, avait motivé son engouement pour Célio par