Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ses contes me divertissaient ; mais je vis que mes hôtes désiraient se retirer, et je leur en donnai l’exemple. Volabù me conduisit à sa meilleure chambre et à son meilleur lit. Sa femme m’accabla aussi de mille petits soins, et ils ne me quittèrent qu’après s’être assurés que je ne manquais de rien. Volabù me demanda au travers de la porte à quelle heure je voulais partir pour Briançon. Je le priai d’être prêt à sept heures du matin, ne voulant pas être à charge plus longtemps à sa famille.

Je n’avais pas la moindre envie de dormir, car il n’était que sept heures du soir, et j’avais douze heures devant moi. Un bon feu de sapin pétillait dans la cheminée de ma petite chambre, et une grande provision de branches résineuses, placée à côté, me permettait de lutter contre la froide bise qui sifflait à travers les fenêtres mal jointes. Je pris mes crayons, et j’esquissai les deux jolies figures des demoiselles de Balma dans le costume et les attitudes où elles m’étaient apparues, sans oublier le beau lévrier blanc et le cadre des grands cyprès noirs couverts de flocons de neige. Tout cela trottait encore plus vite dans mon imagination que sur le papier, et je ne pouvais me défendre d’une émotion analogue à celle que nous fait éprouver la lecture d’un conte fantastique d’Hoffmann, en rapprochant de ces charmantes figures si candides, si enjouées, si heureuses en apparence, les récits bizarres et les diaboliques commentaires de ma vieille hôtesse. Ainsi que dans ces contes germaniques, où des anges terrestres luttent sans cesse contre les piéges d’un esprit infernal pétri d’ironie, de colère et de douleur, je voyais ces beaux enfants fleurir à leur insu, sous l’influence perfide de quelque vieux alchimiste couvert de crimes, qui les élevait à la brochette pour vendre leurs âmes à Satan, afin de dégager la sienne d’un pacte fatal. La petite ne se doutait de rien encore, l’autre commençait