Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/102

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brutal qui me chargerait d’ouvrage ou qui me ferait partir de la maison, et pourtant je voyais bien que la cousine avait besoin d’une compagnie et d’un soutien quand son frère était absent. Jusque-là, je n’y avais jamais songé ; je m’étais imaginé qu’avec moi elle était comme avec son fils, et quelquefois elle disait : « Une mère n’est jamais seule quand elle est avec son enfant. » C’était dans ses bons jours. Le plus souvent elle m’envoyait coucher avec le soleil en me disant : « Tu m’ennuies, j’aime mieux être seule qu’avec toi. » J’allais pleurer avec la gardeuse de chèvres, et c’est elle qui m’a expliqué qu’une femme de trente ans ne pouvait pas vivre sans se marier, qu’il lui fallait la conversation d’un homme raisonnable et savant, quand elle était instruite comme la patronne. Alors, j’en ai pris mon parti, et j’ai demandé à Dieu de lui envoyer l’ami qu’il lui fallait. Il m’a écouté, car vous voilà, et elle a pour vous plus de respect et de croyance que pour son propre frère. Mariez-vous donc avec elle, et nous serons tous très-heureux ensemble. Je vous servirai comme si vous étiez mon père. Vous m’instruirez, et peut-être que je vous ferai honneur.

Dans tout ce babil de Tonino, il y avait, vous le voyez, une simplicité d’enfant, et j’eus beau le pousser pour voir s’il ne se moquait pas de moi, il ne laissa pas échapper une réplique, une réflexion qui n’exprimât la plus parfaite candeur. D’où vient que je ne fus pas entièrement tranquillisé ? C’est que sa